L’essentiel

En France, l’eau du robinet est probablement le produit alimentaire dont la qualité est la plus contrôlée. Pourtant, certaines personnes s’en méfient ou se disent gênées par le goût de chlore, ce qui les conduit à préférer consommer des eaux en bouteilles. Pour d’autres, qui font toute confiance à l’eau du robinet, l’orientation vers l’eau en bouteille est guidée par un choix gustatif à cause de la forte concentration en sels minéraux de certaines d’entre elles ou des bulles de gaz des eaux pétillantes. Ce dossier démêle la part de réalité et de phantasme afin de permettre un choix plus raisonné de son eau de boisson.

Sur le plan réglementaire, il n’existe que deux types d’eau : les « eaux minérales naturelles » (EMN) qui ne représentent que certaines eaux en bouteille et les eaux destinées à la consommation humaine (EDCH) qui comprennent les eaux distribuées au robinet par les réseaux publics ainsi que certaines eaux en bouteilles qualifiées notamment d’eaux de source.

Il n’existe donc aucune différence de qualité sanitaire entre les eaux distribuées par les réseaux publics et les EDCH vendues en bouteille qui doivent satisfaire exactement les mêmes contraintes de qualité.

Les EMN, constituent un cas particulier car leurs qualités thérapeutiques ont été reconnues par l’Académie nationale de médecine. Elles doivent respecter la majorité des critères de qualité comme les EDCH, mais des particularités leurs sont autorisées concernant la teneur parfois élevée en sels minéraux.

La réglementation française précise également que les EDCH distribuées en réseau doivent être conformes aux normes jusqu’au robinet, c’est-à-dire après passage dans les réseaux intérieurs des maisons et immeubles. Ces normes sont très strictes et fixées de façon à ce que la consommation ne présente aucun risque : absence de micro-organismes pouvant nuire à la santé, très faibles concentrations de contaminants chimiques. Des contrôles permanents et indépendants [1] permettent de vérifier que les eaux distribuées dans les réseaux publics sont en conformité avec ces normes.

Il est donc possible de boire sans crainte l’eau du robinet, au même titre que l’eau en bouteille, partout en France métropolitaine sans aucun risque pour sa santé, ce qui n’est malheureusement pas le cas partout dans le monde.

Le type de goût préféré est une affaire purement personnelle. Certains sels minéraux ou certains composés naturels (produits par des algues) ou non (sous-produits de la chloration, contaminants) peuvent donner un goût ou une odeur à l’eau, même à des concentrations extrêmement faibles. Ceci est vrai aussi bien pour les eaux du réseau public que pour les eaux en bouteille [2]. L’odeur de chlore, souvent reprochée à l’eau du robinet peut facilement être éliminée en conservant l’eau pendant quelques heures dans une carafe au réfrigérateur avant de la consommer.

Le choix de consommer des eaux en bouteille à la place de l’eau du robinet a un coût, car un litre d’eau en bouteille coûte entre 40 et 400 fois plus cher qu’un litre d’eau du robinet ! Il a aussi un impact environnemental, d’une part, parce que la production et le transport des bouteilles consomment des matières premières et de l’énergie et émettent des gaz à effet de serre, d’autre part, parce qu’il faut gérer les déchets des bouteilles en plastique.

[1Les contrôles réglementaires sont réalisés par les Agences régionales de santé (ARS). De plus les services en charge de la production et de la distribution de l’eau potable doivent réaliser des analyses complémentaires.

[2Le gout et l’odeur de chlore ne se rencontrent pas dans les bouteilles car leur eau n’est pas chlorée.

Qu’est-ce qu’une eau potable ?

Quelles sont les qualités que doit avoir une eau pour être potable ?

Par définition, une eau potable est une eau qu’il est possible de boire sans risque pour la santé.

Toute eau destinée à la consommation humaine, qu’elle soit distribuée par un réseau public ou en bouteille, doit donc être conforme à des normes très strictes, élaborées pour tous les pays d’Europe, qui fixent en particulier des valeurs limites qui ne doivent pas être dépassées pour un grand nombre de paramètres microbiologiques, physiques et chimiques.

Quelles sont les substances dont la présence est contrôlée ?

Les contrôles portent sur plusieurs familles de paramètres :

  • les indicateurs de la présence de micro-organismes pathogènes [1] (bactéries, virus, protistes [2], parasites) qui ne doivent pas être présents dans l’eau et des indicateurs bactériens de la bonne qualité globale de l’eau distribuée ou conditionnée en bouteille ou en bombonne ;
  • certains composés chimiques considérés comme indésirables ou toxiques, comme les nitrates et les phosphates, les métaux lourds, ou encore les hydrocarbures et les pesticides.
  • certains paramètres physico-chimiques ou organoleptiques [3] : l’eau doit être transparente, ne pas avoir d’odeur ni de goût prononcé, elle ne doit pas être agressive et risquer de corroder les canalisations, etc.

Comment détermine-t-on les normes de concentrations maximum acceptables ?

Les normes sont fixées de façon à éviter tout risque sanitaire à court terme (par exemple absence totale d’organismes pathogènes), mais aussi à long terme. Les valeurs limites des paramètres chimiques sont donc fixées en s’inspirant des normes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), par des groupes internationaux d’experts, après une large concertation des états concernés, de façon à limiter les quantités totales ingérées tout au long de la vie. Elles intègrent également une marge de sécurité très importante pour tenir compte de la diversité des habitudes de consommation, des autres sources possibles d’ingestion et des incertitudes scientifiques.

Le fait qu’une eau distribuée au robinet ou en bouteille soit conforme aux normes, c’est-à-dire potable, ne signifie donc pas qu’elle soit totalement exempte de matières polluantes, mais que leur concentration a été jugée suffisamment faible pour ne jamais mettre en danger la santé du consommateur.

Les normes en France sont-elles suffisamment sévères ?

Tous les pays du monde ne suivent pas les mêmes normes. Certains édictent leurs propres normes. D’autres adoptent celles conseillées par l’OMS.

Tous les pays d’Europe doivent se conformer à la directive 98/83/CE qui fixe au niveau européen des exigences à respecter au sujet de la qualité des eaux destinées à la consommation humaine (EDCH). Cette directive a été transposée en droit français dans le code de la santé publique, aux articles R.1321-1 à R.1321-66. Certaines valeurs fixées sont plus strictes que celle de l’OMS. Elles concernent 63 paramètres ou familles de paramètres (voir le tableau « Comparaison des normes de l’OMS et des normes européennes concernant la qualité de l’eau potable ».).

En France, à la fin du XIXe siècle, 6 paramètres suffisaient à définir une eau potable. Les normes ont donc considérablement progressé depuis. Elles continuent à évoluer dans le sens d’une toujours plus grande exigence, en tenant compte des progrès scientifiques, mais aussi des progrès analytiques.

On peut donc affirmer que les normes actuelles intègrent toutes les connaissances disponibles pour assurer la sécurité de la santé des citoyens.

La vigilance reste cependant nécessaire, en particulier pour certains polluants émergents. Les progrès de la recherche conduisent donc à faire évoluer ces normes en permanence en tenant compte des autres apports par les aliments ou l’air.

L’eau du robinet est-elle toujours potable en France ?

Le fait que des normes strictes existent ne signifie pas nécessairement que ces normes soient respectées partout et en permanence.

Comment est contrôlée la qualité de l’eau distribuée ?

Le contrôle sanitaire obligatoire de l’eau prévu dans la directive européenne est mis en œuvre par les agences régionales de santé (ARS). Il est effectué à toutes les étapes du circuit de l’eau, de la source jusqu’au robinet du consommateur : captages, stations de traitement, installations de production, réseau de distribution de l’eau. Il en est de même dans les usines de mise en bouteille ou en bombonne.

Ce contrôle obligatoire vient renforcer l’autocontrôle qui est effectué de façon extrêmement régulière par les services en charge de la production et de la distribution de l’eau potable.

L’eau est ainsi le produit alimentaire le mieux contrôlé de France avec chaque année plus de 310 000 prélèvements pour 15 300 lieux de production, soit une moyenne de 20 prélèvements par site et par an [4]

Ces résultats sont publics et disponibles, commune par commune, sur le site du Ministère en charge de la santé

La loi exige en outre que les résultats des analyses soient affichés en Mairie et que la synthèse soit envoyée à tous les usagers avec la facture d’eau au moins une fois par an. Dans les co-propriétés cette synthèse est fournie au syndic qui doit la transmettre aux co-propriétaires..

Il existe donc une très grande transparence sur la qualité de l’eau distribuée par les réseaux publics.

L’eau peut-elle être bue même si certaines références de qualité ne sont pas respectées ?

En Europe, les normes de qualité de l’EDCH sont très rigoureuses et fixées de façon à ce qu’un dépassement momentané de certains paramètres ne fasse courir aucun risque à l’utilisateur.

Pour beaucoup de substances chimiques c’est en effet la quantité totale absorbée au cours de la vie qui est à maîtriser. Les normes n’ont de sens que sur le long terme.

L’OMS indique par exemple que « les dépassements de courte durée des valeurs guides ne signifient pas nécessairement que l’eau est impropre à la consommation, l’ampleur et la durée des écarts qui peuvent être considérés comme sans effet sur la santé publique dépendent de la substance ».

Que se passe-t-il en cas de dépassement de la norme ?

En cas de non-conformité accidentelle par rapport aux limites de qualité, l’exploitant, qu’il soit public ou privé, est tenu de prévenir le préfet [5].

Les Maires concernés et le Préfet prennent alors les mesures appropriées pour protéger la santé des personnes.

Ces mesures vont dépendre du (ou des) paramètre(s) non conforme(s) et de l’importance du dépassement. Dans les cas les moins graves elles se limitent à une simple information des usagers. Dans les cas les plus graves, elles peuvent aller jusqu’à l’interruption totale de la distribution. Il est cependant très rare que cette mesure soit mise en œuvre [6].

Si le dépassement de la norme devient chronique, le Maire est alors tenu d’engager des programmes de travaux pour supprimer le problème (contrôle de la pollution de la ressource ou mobilisation d’une autre ressource, amélioration des procédés de traitement, etc.). Dans l’attente de la résolution du problème de l’EDCH est distribuée aux populations et si le dépassement ne fait courir aucun risque, uen autorisation est délivrée sous le contrôle des ARS.

Observe-t-on souvent des dépassements des valeurs réglementaires ?

Les dépassements des valeurs réglementaires ont beaucoup diminué en France depuis les années 2000.

Les deux graphiques ci-dessous présentent par exemple l’évolution de la population bretonne exposée à une eau distribuée non conforme en pesticides et en nitrates (disponibles sur le portail de l’information environnementale en Bretagne).

L’eau en bouteille est-elle meilleure que l’eau du réseau public ?

Les français ont consommé, en 2011, 7,3 milliards de litres d’eau en bouteille, soit 145 litres d’eau par habitant [7], ce qui les classe (après les italiens, puis les allemands et juste derrière les espagnols), parmi les premiers consommateurs d’eau en bouteille en Europe et dans le monde.

Les raisons évoquées par les consommateurs pour justifier leur consommation d’eau en bouteille sont multiples :

  • Absence de pollution ;
  • Meilleur goût (en particulier absence de goût de chlore) ;
  • Rôle diététique ou thérapeutique ;
  • Aspects pratiques (facilité d’approvisionnement ou de transport) ; etc.

Il est intéressant de se demander si ces arguments sont fondés.

Toutes les eaux en bouteille sont-elles équivalentes ?

Il existe une très grande diversité de qualités d’eaux qui sont commercialisées en bouteille. Cependant, sur le plan réglementaire, il n’en existe que deux catégories :

  • Les eaux destinées à la consommation humaine : Ce sont des eaux dont la provenance est quelconque mais qui satisfont toutes les normes sanitaires. Les eaux de source font partie de cette catégorie. Elles doivent en plus avoir une origine souterraine et n’avoir subi que quelques traitements sommaires selon une liste autorisée. Si elles ont subi un tel traitement, elles sont alors dénommées « eaux rendues potables par traitement » avant d’être embouteillées.
  • Les eaux minérales naturelles (EMN) : Il s’agit d’eau de source présentant une efficacité thérapeutique reconnue par l’Académie nationale de Médecine [8]. Les sources d’EMN sont d’ailleurs souvent associées à des stations thermales. Elles peuvent être trop minéralisées pour répondre aux normes de potabilité classiques. Elles étaient destinées autrefois à accompagner les malades à leur retour de cure thermale. Une eau en bouteille n’est pas obligatoirement une eau minérale naturelle. Sous une même marque, les bouteilles peuvent contenir des eaux de qualité et de sources différentes. Une même eau de source peut être vendue sous plusieurs marques différentes.

    L’eau en bouteille est-elle meilleure pour la santé que l’eau du réseau public ?

Les publicités vantent souvent les qualités diététiques des eaux en bouteille ou insistent sur le fait qu’elles sont bien adaptées à la préparation des biberons.

En pratique, si les EMN sont supposées avoir des actions thérapeutiques, validées par l’Académie nationale de médecine, il n’y a aucune raison objective pour que les autres eaux en bouteille aient plus ou moins d’effets bénéfiques sur la santé que les eaux du robinet.

Les EMN, si elles sont effectivement des alicaments, devraient être consommées uniquement par les personnes pour lesquelles un tel traitement est utile.

Les autres eaux en bouteille ne sont ni mieux, ni plus mal, adaptées à la préparation des biberons ou à une vie saine que l’eau du réseau public. Les biberons ne doivent pas être réalisés avec une eau très minéralisée et notamment une eau contenant plus de 200 mg/L de sulfates ni avec des eaux gazeuses.

L’eau en bouteille est-elle moins polluée que l’eau du réseau public ?

L’un des arguments souvent mis en avant pour promouvoir l’achat des eaux en bouteille est le niveau de protection très important des ressources utilisées, niveau de protection qui garantirait une eau exempte de pollution. Cet argument est bien sûr renforcé par la pollution constatée et très médiatisée de certaines eaux souterraines ou de surface (en particulier par les nitrates et les pesticides).

Les eaux de source mettent ainsi souvent en avant le fait qu’elles proviennent de secteurs préservés, exempts de tout impact humain et farouchement protégées (souvent les hauts bassins versants des massifs montagneux).

Ceci est parfois vrai, mais ceci se confirme aussi pour l’eau du robinet car près des 2/3 des eaux distribuées aux robinets ont également une origine souterraine protégée par des périmètres de protection parfaitement définis et réglementés.

De plus, et malheureusement, du fait des voies de dispersion des pesticides et autres micropolluants, aucun secteur n’est aujourd’hui réellement à l’abri des pollutions, même lorsqu’il est très éloigné des zones de concentration humaine. L’enjeu réel consiste à limiter l’usage et la dispersion des produits dangereux.

Sur le plan réglementaire rien ne distingue la qualité d’une eau commercialisée en bouteille et une eau distribuée par un réseau public.

  • Le seul contrôle objectif qui est systématiquement réalisé pour les eaux de source et les EMN consiste à vérifier que la qualité des ressources utilisées pour produire l’eau en bouteille vérifie les normes de potabilité respectives et que la chaine de conditionnement protège cette qualité [9].
  • Les contrôles effectués sur la qualité de l’eau distribuée sont les mêmes pour toutes les EDCH.

La seule certitude que l’on peut avoir est donc que, au moment de son embouteillage, l’eau est potable. Rien ne permet de s’assurer que les concentrations en substances polluantes soient inférieures à celle de l’eau d’un réseau public [10]

L’eau en bouteille a-t-elle meilleur goût que l’eau du réseau public ?

L’argument selon lequel l’eau du robinet a mauvais goût est également souvent mis en avant pour justifier la consommation des eaux en bouteille. Le goût de l’eau dépend de nombreux facteurs, et en particulier de la présence, parfois à des concentrations très faibles, de certains sels minéraux ou composés organiques qui peuvent être naturels (produits par des algues) ou non (sous-produits de la chloration, contaminants). Il peut donc arriver que l’eau du robinet soit jugée par des consommateurs comme ayant un « mauvais goût ». Certaines personnes n’aiment d’ailleurs pas non plus le goût de certaines eaux minérales très chargées en sels minéraux.

Concernant spécifiquement l’eau du robinet, le reproche le plus fréquent est le goût ou l’odeur de chlore. Les eaux des réseaux publics sont en effet (presque) systématiquement chlorées avant leur mise en distribution, en particulier pour éviter le développement de micro-organismes dans les réseaux.

Le chlore étant volatil, son odeur peut être perçue lorsque le robinet coule, particulièrement si l’usager est situé près du lieu de production. Il s’agit cependant d’un inconvénient très passager. Le caractère volatil du chlore est en effet plutôt un avantage car le produit va s’évaporer en quelques heures, ne laissant aucun goût ni aucune odeur résiduelle. Il suffit donc de placer l’eau dans une bouteille ou dans une carafe et de la laisser dégazer quelques heures au réfrigérateur avant de la consommer.

Si un goût anormalement élevé se confirmait dans un réseau au cours du temps, il importe d’en avertir le producteur ou l’ARS afin que le problème soit corrigé.

Les goûts dépendent des individus et l’eau en bouteille a l’avantage de pouvoir être choisie en fonction de son goût personnel alors que ce n’est pas possible pour l’eau du robinet. L’argument du goût peut donc être justifié.

[1Un micro-organisme est dit pathogène s’il est capable de rendre une personne malade.

[2Un protiste est un organisme simple (unicellulaire), végétal ou animal.

[3C’est-à-dire auquel nous sommes sensibles par nos sens (odeur, goût, …)

[5Ainsi que le Maire de la commune si l’exploitant est privé.

[6L’interruption de la distribution est une mesure ultime, prise qu’en cas d’absolue nécessité. En effet, elle présente de sérieux inconvénients : le bon fonctionnement des centres hospitaliers peut être perturbé (dialyse, nettoyage du matériel…), la protection contre les incendies n’est plus assurée et les conditions d’hygiène de la vie quotidienne se trouvent remises en cause, ce qui peut entraîner des risques sanitaires.

[8Le titre « eau minérale naturelle » est attribué par l’académie nationale de médecine.

[9En fait uniquement les limites de qualité. En particulier les eaux minérales sont (de façon logique) beaucoup trop minéralisées pour vérifier l’ensemble des références de qualité.

[10La matière utilisée pour la conservation de l’eau peut d’ailleurs être elle-même dangereuse. Par exemple les bombonnes en polycarbonate dégagent du bisphénol A.

Les eaux en bouteille ont-elles d’autres inconvénients ?

La consommation d’eaux en bouteille produit-elle plus de polluants que celle de l’eau du réseau public ?

La consommation d’eau elle-même ne produit bien sûr pas de polluants. La vraie question concerne la pollution produite par la production, le transport, la distribution et le recyclage éventuel des sous-produits.

La consommation des eaux en bouteilles conduit-elle à l’émission de quantités de gaz à effet de serre plus importante que la consommation d’eau du robinet ?

La première question concerne la comparaison du « bilan carbone » de l’eau en bouteille et de l’eau du robinet. Le bilan carbone mesure l’ensemble des émissions de gaz à effets de serre engendrées directement et indirectement par la fabrication, la distribution, l’utilisation et éventuellement le recyclage d’un produit.

L’ADEME a développé une méthodologie (Bilan Carbone®) permettant une mesure aussi objective que possible de ce paramètre avec des données françaises. Cette méthodologie générale est cependant difficile à appliquer pour des services tels que celui de la distribution d’eau potable. L’ASTEE (Association Scientifique et Technique pour l’Eau et l’Assainissement) a mis en place un groupe de travail qui a rédigé un guide pratique [1]. Les méthodes utilisées par différentes collectivités pour mesurer le bilan carbone du service d’eau potable restent cependant assez variées. Comme les conditions locales sont également diverses, des valeurs variables existent selon les sites [2].

La méthodologie Bilan Carbone® est mieux appropriée pour évaluer le bilan carbone de l’eau en bouteille. Cependant, comme une partie très importante des émissions de gaz à effets de serre est liée au transport, le bilan carbone dépend beaucoup des marques et de leur stratégie de distribution (lieu de production unique pour une eau de source ou une eau minérale, ou lieux multiples et plus proches des points de consommation, pour une eau de table). La nature du matériau utilisé pour les bouteilles, ainsi que le pourcentage de bouteilles recyclées a également un impact sensible sur le résultat.

Enfin la réfrigération du produit pèse également beaucoup sur les émissions et cet aspect dépend beaucoup des habitudes des consommateurs.

Il est donc pratiquement impossible de donner des chiffres généraux comparant le bilan carbone de l’eau du robinet à celui de l’eau en bouteille.

Nous donnerons donc seulement ici, et uniquement à titre d’exemple, les résultats de l’étude de l’ESU Service qui portent sur des données Suisse et qui conclut qu’un litre d’eau en bouteille a un impact environnemental entre 100 et 2 000 fois plus fort qu’un litre d’eau du robinet ESU-Services (2006) : EcoBilan Eau potable-Eau minérale »

Les schémas suivants explicitent les raisons de cet écart en présentant les différents postes d’émissions de gaz à effet de serre pour les deux filières.

Les bouteilles sont-elles convenablement recyclées ?

Un autre aspect à prendre en compte et le faible taux de recyclage des bouteilles en plastique [3]. Au niveau mondial, seulement 12% des 200 milliards de bouteilles produites en 2008 ont été recyclées. Ce pourcentage est cependant plus important en France, de l’ordre de 45%, et il progresse régulièrement.

Ceci entraîne une importante consommation de matière première (un peu moins de 1 m3 de pétrole est nécessaire pour fabriquer une tonne de bouteilles) et une pollution importante des milieux naturels.

Même si le PET (Polyéthylène téréphtalate), utilisé depuis 1992 [4], est moins polluant et moins dangereux que le PVC (polychlorure de vinyle), il faut plusieurs centaines d’années pour que les déchets produits par sa fragmentation disparaissent. Les bombonnes en polycarbonate diffusent un contaminant dans l »’eau, le bisphénol A, interdit en France dans ce type d’usage depuis janvier 2015. Il convient donc de changer pour des bombonnes en PET.

Les eaux en bouteille sont-elles beaucoup plus chères que l’eau du réseau public ?

Le prix moyen payé en France, pour disposer d’un litre d’eau de qualité contrôlée à un robinet de son appartement est de 0,19 centimes d’euros le litre (0,339 centimes d’euros le litre en intégrant le prix de l’assainissement).

Le prix moyen d’un litre d’eau en bouteille varie, selon les marques, les lieux d’achat et les modalités de calcul, entre 30 et 50 centimes d’euros, soit de l’ordre de 200 fois plus. Et pour ce prix, il faut encore acheminer soi-même l’eau à son domicile et le coût de traitement ou de recyclage de la bouteille n’est pas vraiment pris en compte.

Un tel écart de prix pour un aussi faible écart de qualité n’existe pratiquement sur aucun autre produit, excepté peut-être pour le vin.

La réponse à cette question est donc très simple : l’eau en bouteille est vraiment beaucoup plus chère que l’eau du robinet, sans que cette différence de prix ne soit vraiment justifiée par une différence de qualité.

En conclusion, sur le plan sanitaire les eaux en bouteille, y compris les eaux de source, sont strictement équivalentes à l’eau du robinet et respectent la règlementation sur les eaux destinées à la consommation humaine. Leur qualité permet de boire les unes comme les autres sans aucun risque sur tout le territoire métropolitain.

Le seul argument objectif réel qui peut amener à choisir une eau en bouteille plutôt que l’eau du robinet est une situation de confort et réside dans le fait de choisir une eau dont le goût est adapté à son attente.

Ce choix se paye individuellement par un surcoût très important et collectivement par une production beaucoup plus importante de gaz à effet de serre et de déchets.

[1Voir TSM d’octobre 2010 (Numéro 10 – 105e année - pages 51 à 70)

[2Une recherche sur internet avec le mot clé « bilan carbone service d’eau » donne accès aux sites d’un grand nombre de services d’eau ayant effectué une telle analyse. Les méthodes utilisées, de même que les résultats sont très variés et difficiles à comparer.

[3Nous ne développerons pas ici le cas des bouteilles en verre dont le pourcentage est devenu très marginal. Si la question du recyclage du matériau ne se pose pas pour ce type de bouteille, son bilan carbone est encore plus désastreux du fait du poids de la bouteille et de l’énergie nécessaire pour la fabriquer, récupérer et la nettoyer avant sa réutilisation.

[4Essentiellement pour des raisons de plus faible poids.

Pour en savoir plus

  • Document rédigé par Bernard Chocat (LGCIE - INSA Lyon)
  • Relecteurs : Yves Levi (Université Paris Sud) et Elodie Brelot (GRAIE)

Ouvrages de référence :

  • Euzen Agathe, Levi Yves (2013) : « Tout savoir sur l’eau du robinet » ; ed. CNRS, Paris.
  • Camdessus Michel, Badré Bertrand, Chéret Ivan, Ténière-Buchot Pierre-Frédéric (2004) : « Eau » ; ed Robert Lafond, Paris, 290 pp
  • Margat Jean, Andréassian Vazken (2008) : « Idées reçues : l’eau » ; ed. Le cavalier bleu ; Paris ; 125pp.

Sites web de référence utilisés pour le texte de synthèse :

  • http://www.developpement-durable.gouv.fr : le site du Ministère de l’écologie, en charge, au nom de l’Etat français, de la politique nationale de l’eau en cohérence avec les directives européennes. Site d’informations très complet.
  • http://www.eaufrance.fr : ce portail est le point d’entrée du Système d’information sur l’eau en France, il donne accès aux sites de bassin et aux données sur l’eau et les milieux aquatiques produites par les services publics. Il a pour but de faciliter l’accès à l’information publique dans le domaine de l’eau en France.
  • http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/doseau : informations à caractère scientifique, présentation pédagogique et très complète.
  • http://www.lesagencesdeleau.fr : portail des sites des agences de l’eau.
  • http://www.cieau.com : centre d’information sur l’eau, lieu d’échanges et d’information sur l’eau, créé par les industriels de l’eau.
  • http://www.onema.fr : informations scientifiques et techniques sur l’état de l’eau et le fonctionnement des milieux aquatiques