L’essentiel

Le dernier rapport du GIEC [1] ne laisse aucune place au doute. La température moyenne de notre planète a augmenté d’environ 0,8°C depuis le début du XXème siècle. Cette augmentation est de façon quasiment certaine [2] due à une augmentation des concentrations de certains gaz dans l’atmosphère : dioxyde de carbone, méthane, ozone, protoxyde d’azote. Ces gaz sont émis par les activités humaines et renforcent l’effet de serre qui piège une partie de la chaleur émise par la Terre vers l’espace.

Cette augmentation de la température moyenne a des conséquences sur les climats locaux, y compris en France métropolitaine : augmentation du nombre de journées chaudes, diminution du nombre de jours de gel par exemple, ainsi que des conséquences sur le fonctionnement de notre société.

Il est très difficile de faire des prévisions sur les évolutions qui vont se produire dans les cinquante prochaines années. En plus de la très grande complexité des phénomènes climatiques, il faut en effet tenir compte des réponses que notre société va apporter en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

En tout état de cause, il est très probable que l’augmentation de la température moyenne sera supérieure à 1,5°C avant la fin du siècle.

Cette augmentation de la température moyenne aura des conséquences importantes et difficiles à prévoir avec exactitude sur le cycle hydrologique : modification des quantités totales de précipitation et de leur répartition dans le temps et dans l’espace, asséchement des sols, fonte plus précoce des neiges d’hiver en montagne, fonte des glaciers, diminution des débits des rivières en particulier en été, etc…

Il est donc nécessaire de mettre en œuvre dès aujourd’hui des mesures d’atténuation visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais aussi des mesures d’adaptation. Ces mesures d’adaptation sont particulièrement importantes en ce qui concerne la gestion de l’eau. Leur principal objectif est de réduire notre vulnérabilité vis-à-vis de la modification des aléas que le changement climatique va nous imposer : vulnérabilité vis-à-vis d’une moindre disponibilité de l’eau, d’un assèchement probable des sols, de pressions accrues sur la qualité des écosystèmes et des ressources en eau, etc…

Les solutions possibles sont très diversifiées, mais il sera nécessaire de privilégier celles qui présentent les meilleures garanties de flexibilité et de réversibilité de façon à pouvoir les adapter à des évolutions qui sont encore très incertaines.

[1GIEC : Groupe International d’Etude sur le Climat ; voir encadré « Qu’est-ce que le GIEC ».

[2C’est-à-dire que la probabilité que cette proposition soit vraie est supérieure à 99%.

Le changement climatique est-il aujourd’hui une réalité ?

La planète s’est-elle vraiment réchauffée ?

Que représente la température moyenne de la planète ?

Parler de réchauffement implique dans un premier temps que l’on sache mesurer la température de la planète pour, dans un second temps, suivre son évolution. Or il ne s’agit pas là d’une chose simple.

Les bulletins météorologiques prennent comme référence la température de l’air mesurée sous abri à 1 mètre du sol. Mais cette température varie en permanence selon le moment et le lieu. Elle dépend également de l’altitude.

La température moyenne de la planète est donc obtenue en faisant la moyenne des températures mesurées sur toute sa surface, corrigées de façon à les ramener au niveau de la mer, et ceci sur toute l’année. La valeur obtenue pour la Terre est alors de l’ordre de 15°C.

La notion de température moyenne d’une planète a-t-elle un sens ?

Il peut paraître étrange de caractériser une grandeur présentant de tels écarts saisonniers et géographiques par une valeur moyenne. En réalité, ceci se justifie par le fait que température et énergie rayonnée sont deux notions équivalentes :
« Tout objet maintenu à une certaine température, perd constamment de l’énergie sous forme de rayonnement. L’énergie rayonnée est fixée par sa température. Quand l’objet est très chaud, le rayonnement émis par sa surface devient lumineux (charbon rougeoyant vers 500°C, métal chauffé à blanc vers 1000°C…) ; quand il est à la température ordinaire, le rayonnement émis est invisible à l’œil. Dire que la surface de la Terre est à +15°C revient à dire qu’en moyenne chaque mètre carré de la surface de la Terre “rayonne” (c’est-à-dire “émet un rayonnement infrarouge d’une énergie de”) 390 watts, c’est-à-dire 390 joules par seconde. C’est sur cette dernière grandeur, l’énergie, que la compréhension des mécanismes climatiques se fonde, et non sur la température. ». Lire l’article complet sur le site internet du CNRS.

Comment évolue la température moyenne de la planète ?

Pratiquement, pour calculer une température moyenne il faut disposer de mesures locales nombreuses. Le nombre et la qualité des mesures ont beaucoup augmenté au cours des dernières décennies, en particulier depuis la mise sur orbite de satellites capables de mesurer rapidement la température partout sur la planète. La précision de la connaissance de la température moyenne s’est donc également améliorée et les valeurs actuelles sont très fiables.

Même s’il existe différentes méthodes pour calculer cette valeur moyenne, toutes montrent une augmentation d’environ 0,8°C au cours du XXème siècle.

L’augmentation de la température moyenne est donc une certitude qui est confirmée par un grand nombre de preuves indirectes : augmentation de la température des océans, fonte des glaciers et des banquises (glaces d’eau de mer), remontée vers les pôles d’espèces animales et végétales, etc…

Sommes-nous sûr que l’homme en est responsable ?

Comment l’homme peut-il modifier la température moyenne de la planète ?

La température moyenne d’une planète résulte d’un équilibre entre l’énergie reçue (essentiellement l’énergie solaire) et l’énergie émise. Si les deux quantités sont égales la température reste stable. Si l’énergie reçue est plus faible que l’énergie émise la température baisse et si l’énergie reçue est plus forte que l’énergie émise la température monte.

L’hypothèse la plus vraisemblable pour expliquer l’augmentation actuelle de la température moyenne est celle d’une diminution de l’énergie émise par la Terre vers l’espace.

Cette énergie est émise par rayonnement. Du fait de la température moyenne relativement basse de la Terre ce rayonnement se fait surtout dans l’infrarouge (il n’est donc pas visible). Or l’atmosphère est très transparente aux longueurs d’onde courtes émises par le soleil, mais plus opaque pour les rayonnements infrarouges. Une partie de la chaleur émise par la terre est donc piégée. Le comportement de l’atmosphère est voisin de celui du verre que l’on utilise pour fabriquer des serres, d’où le nom «  d’effet de serre  » donné à ce phénomène.

La capacité de l’atmosphère à absorber le rayonnement émis par la planète dépend de sa concentration en gaz particuliers, que l’on appelle les gaz à effets de serre (GES). Le plus connu de ces gaz est le dioxyde de carbone (le gaz carbonique), mais d’autres gaz jouent également un rôle important, en particulier la vapeur d’eau (qui joue en fait le rôle principal), le méthane, l’ozone ou le protoxyde d’azote.

Les activités humaines sur la planète conduisent à une augmentation des émissions de certains gaz à effet de serre. En particulier, la combustion des réserves de charbon et de pétrole stockées dans les sols depuis plusieurs millions d’années conduit à la restitution très rapide à l’atmosphère de grandes quantités de gaz carbonique.

L’hypothèse retenue pour expliquer ce phénomène est donc la suivante : la concentration en gaz à effet de serre augmente, la capacité de l’atmosphère à piéger le rayonnement émis par la terre augmente, la quantité d’énergie émise vers l’espace diminue, la température moyenne augmente.

Quelles sont les preuves dont nous disposons sur le rôle des gaz à effets de serre ?

D’autres mécanismes sont susceptibles de modifier le bilan thermique de la planète, en particulier l’augmentation de l’énergie solaire reçue. Celle-ci n’est en effet pas constante et dépend de l’activité du soleil, de sa distance à la terre en fonction des saisons, de la plus ou moins grande présence de poussières entre le soleil et la terre, etc.

Pour étudier les contributions respectives de ces différents éléments, les scientifiques construisent des modèles mathématiques et étudient les conséquences d’une évolution de chacun des paramètres. Il existe aujourd’hui un grand nombre de modèles, dont certains sont extrêmement sophistiqués et prennent en compte de très nombreux phénomènes ainsi que leurs interactions.

Tous ces modèles sont capables de reproduire l’augmentation observée des températures de la planète en tenant compte uniquement de l’augmentation des teneurs atmosphériques en gaz à effet de serre. Aucun modèle ne permet de la reproduire en jouant sur d’autres paramètres.

Il s’agit certes d’une preuve indirecte, mais elle est suffisamment forte pour que le GIEC considère qu’il y a 99% de chances que l’augmentation des concentrations de GES dans l’atmosphère soit à l’origine de l’augmentation de la température de la planète.

Quelles sont les conséquences actuellement observées du changement climatique global ?

Comment évoluent les températures locales ?

Il existe une très grande différence entre la température moyenne de la planète et la température mesurée à un moment et un endroit donné, c’est-à-dire à celle que l’on ressent.

En tout état de cause, une augmentation de la température moyenne de la planète n’a aucune raison de se traduire par une augmentation de la température à tout moment et en tout lieu.

En valeur moyenne annuelle, et entre 1901 et 2012, le GIEC annonce ainsi des évolutions qui vont d’une baisse de 0,6° dans l’atlantique nord à une hausse de plus de 2,5° en Asie centrale, en Afrique du Nord-ouest, en Amérique du sud-est et au Canada. En France, l’augmentation est dans la moyenne de 0,8°.

Malgré cette hausse presque généralisée des températures moyennes, les températures saisonnières, et plus encore journalières, connaissent des situations qui peuvent être discordantes. Les mois de juillet et d’aout 2014 ont par exemple été particulièrement frais en France, alors même que l’année 2014 a été l’une des plus chaudes jamais observées. Ceci est dû au caractère extrêmement variable des types de temps que l’on peut observer au cours d’une même saison, particulièrement dans les régions tempérées.

Le GIEC traduit donc les conséquences du changement climatique sur les phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes soit en termes d’écart à la moyenne de référence, soit en termes de modification de probabilité de survenance. Ces conséquences doivent être comprises comme des moyennes sur des périodes de temps assez longues (par exemple une vingtaine d’années). Lorsque le GIEC estime par exemple que depuis 1950, il est probable [1] que les vagues de chaleur aient été plus fréquentes et/ou plus longues sur une grande partie de l’Europe qu’elles ne l’auraient été si le climat n’avait pas changé, ceci n’est en aucun cas contradictoire avec le fait qu’il n’y a pas eu chaque année de longues périodes de canicule en France.

Quelles sont les conséquences sur la pluviométrie ?

Un changement des températures a nécessairement des conséquences sur la pluviométrie.

La première conséquence globale d’une augmentation des températures est l’augmentation de l’évaporation, donc de la quantité de vapeur d’eau dans l’atmosphère (ce qui contribue d’ailleurs à accroitre l’effet de serre) et, dans une moindre mesure, des précipitations. Il pleut donc, en moyenne, logiquement davantage sur la planète.

Cette augmentation est cependant très loin d’être uniforme. L’augmentation de la température modifie en effet le fonctionnement très complexe de la machine atmosphérique et océanique terrestre qui transfère en permanence la chaleur depuis la zone équatoriale vers les zones polaires.

La répartition des précipitations est donc également modifiée, avec comme règle assez générale une augmentation des précipitations annuelles dans les zones humides et une diminution dans les zones sèches.
La répartition saisonnière des précipitations est également altérée, de même que la fréquence des périodes exceptionnelles, c’est-à-dire sans précipitations ou au contraire avec des précipitations abondantes.

Le rapport du GIEC estime par exemple que depuis 1950, il est probable que les terres émergées aient été plus nombreuses à enregistrer des épisodes de précipitations abondantes qu’elles ne l’auraient été si le climat n’avait pas changé.

Les catastrophes climatiques sont-elles plus nombreuses ?

Le changement climatique est souvent mis en cause dans l’augmentation de la fréquence et de la gravité des catastrophes climatiques : inondations, tempêtes, cyclones, sécheresses, etc.. En réalité, du fait de la très grande variabilité interannuelle de ces catastrophes, il est très difficile de mettre en évidence une évolution tendancielle de ce type d’événements. Il est encore plus difficile d’établir une relation de cause à effet entre l’augmentation moyenne des températures et la fréquence de survenue des catastrophes climatiques.

Le rapport du GIEC est donc assez circonspect sur ce sujet et indique que le degré de confiance que l’on peut accorder à un lien entre le changement climatique global et la fréquence des catastrophes climatiques est généralement assez faible.

Il indique cependant que l’augmentation de certains phénomènes extrêmes au cours des 50 dernières années est probable dans certaines régions (par exemple l’intensité et la durée des sécheresses dans le sud de l’Australie).

Cette augmentation est même quasiment certaine [2] en ce qui concerne l’augmentation de l’activité des cyclones intenses dans l’Atlantique Nord.

Quelles sont les autres conséquences observées du changement climatique ?

L’augmentation de la température de la planète a d’ores et déjà des conséquences visibles sur différents paramètres physiques ou chimiques :

  • Il est quasiment certain que l’océan superficiel (jusqu’à 700 mètres de profondeur) s’est réchauffé entre 1971 et 2010.
  • Au cours des deux dernières décennies, la masse des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique a diminué, les glaciers de presque tous les pays du globe ont continué à se réduire et l’étendue de la banquise arctique, de même que celle du manteau neigeux de l’hémisphère Nord au printemps ont continué à diminuer.
  • Entre 1901 et 2010, le niveau moyen des mers à l’échelle du globe s’est élevé de 19 centimètres.
  • L’acidité des eaux océaniques (concentration en ions hydrogène) a augmenté de 26% depuis le début de l’ère industrielle, ce qui représente une diminution du pH de 0,1.
  • Etc..

Le résumé à l’attention des décideurs établi par le GIEC synthétise ainsi la situation actuelle :

« Le réchauffement du système climatique est sans équivoque et, depuis les années 1950, beaucoup de changements observés sont sans précédent depuis des décennies voire des millénaires. L’atmosphère et l’océan se sont réchauffés, la couverture de neige et de glace a diminué, le niveau des mers s’est élevé et les concentrations des gaz à effet de serre ont augmenté. »

Quelles sont les évolutions prévisibles dans les décennies à venir ?

En matière de gestion de l’eau, il n’est pas possible de prendre des décisions en ne considérant que la situation actuelle. Les choix d’équipements ou de modalités de gestion que nous faisons aujourd’hui nous engagent en effet pour de nombreuses années. Il est donc nécessaire d’anticiper les changements à venir et de tenir compte des évolutions probables ou possibles du climat dans les années futures, ainsi que des conséquences de ces changements à des échelles locales.

Quels sont les scénarios possibles pour les années à venir ?

Anticiper sur ce que sera le futur est bien sûr extrêmement difficile. Aux incertitudes scientifiques sur le fonctionnement de l’écosystème Terre viennent s’ajouter des incertitudes encore plus grandes sur la façon dont notre société va réagir aux changements. Le GIEC raisonne donc en termes de scénarios. Comme le paramètre principal explicatif est la concentration de l’atmosphère en gaz à effet de serre, c’est l’évolution de ces concentrations au cours du temps qui sert à caractériser ces scénarios.

Dans le dernier rapport publié en 2013, les scénarios possibles ont été repensés par la Communauté scientifique [3] et exprimés sous la forme de profils représentatifs d’évolution des concentrations de gaz à effet de serre. Le GIEC parle de RCP, diminutif du vocable anglais « Representative Concentration Pathways ». Plusieurs centaines de scénarios ont été proposés et quatre, considérés comme représentatifs, ont été retenus, du plus optimiste (RCP 2.6) au plus pessimiste (RCP 8.5).

A ces scénarios d’évolution des concentrations en GES sont associés des scénarios d’évolution socio-économico-politique (SSP pour « Shared Socioeconomic Pathways »), qui ont pour but d’évaluer les évolutions possibles de nos sociétés compatibles avec les scénarios d’évolution des concentrations en GES.

Comment ces scénarios sont-ils utilisés ?

Les scénarios sélectionnés servent d’entrée à différents modèles climatiques (une cinquantaine de modèles ont été exploités pour établir le rapport du GIEC publié en 2013). Ces modèles décrivent le fonctionnement de l’ensemble de la planète en la discrétisant en mailles supposées homogènes et en représentant les échanges entre ces mailles. Cette discrétisation est faite sur la surface, mais également de façon verticale (atmosphère et océan). La taille des mailles ou les phénomènes pris en compte sont différents selon les modèles, mais tous progressent continuellement en intégrant les nouvelles connaissances scientifiques et en bénéficiant des progrès des ordinateurs. Actuellement la résolution horizontale des modèles est typiquement de 200 km par 200 km, ce qui est insuffisant pour connaître les effets locaux, en particulier dans les zones de montagne. Les chercheurs mettent donc également en œuvre des modèles régionaux, dits de « descente d’échelle », qui permettent de prendre en compte plus finement la topographie, en ne représentant qu’une partie de la planète.

Quelles sont les principales prévisions pour le siècle à venir ?

Malgré leur limite, les différents modèles produisent des résultats extrêmement cohérents, au moins aux échelles régionales.

Ils prédisent tous que l’augmentation de température à la surface du globe sera probablement supérieure à 1,5°C par rapport à l’époque allant de 1850 à 1900 pour tous les scénarios, sauf pour le plus optimiste (RCP2.6) et il est même probable qu’elle dépassera 2°C si nous suivons les deux scénarios les plus pessimistes (RCP6.0 et RCP8.5).

Le contraste des précipitations entre régions humides et régions sèches, ainsi qu’entre saisons humides et saisons sèches augmentera presque partout.

A l’échelle mondiale, l’océan continuera de se réchauffer au cours du XXIème siècle, y compris l’océan profond, ce qui perturbera la circulation océanique.

Il est très probable que l’étendue et l’épaisseur de la banquise arctique continueront de diminuer, de même que l’étendue du manteau neigeux de l’hémisphère nord au printemps. La banquise pourrait même disparaître totalement en été selon certains scénarios. Les glaciers continueront de perdre de leur volume.

Il est très probable que l’élévation du niveau des mers et des océans soit plus rapide au cours du XXIème siècle qu’elle ne l’a été entre 1970 et 2010. Elle dépassera très probablement 28 cm à la fin du siècle.

La plupart des caractéristiques du changement climatique persisteront pendant de nombreux siècles, même si les émissions de gaz à effet de serre sont totalement arrêtées. L’inertie du changement climatique est en effet considérable, de l’ordre de plusieurs siècles.

Comment nous adapter aux conséquences du changement climatique ?

Les évolutions actuelles du climat vont donc inéluctablement se renforcer au cours des décennies à venir, même si nous agissons efficacement dès aujourd’hui pour limiter les émissions de gaz à effet de serre.

Nous devons donc, de toute façon, nous préparer à faire face aux conséquences de ce changement climatique global.

Ceci ne signifie pas qu’il ne faille rien faire pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. Bien au contraire, l’adaptation ne sera possible que si nous sommes capables de contenir l’évolution du climat dans des limites acceptables. Il ne s’agit donc pas de nous adapter pour nous permettre de continuer à vivre « presque comme avant » sans faire d’efforts sur les émissions de GES.

Il s’agit plutôt de prendre conscience que nos actions inconsidérées ont modifié de façon très importante notre environnement, que cette modification va se poursuivre et que nous devons faire tous les efforts nécessaires à la fois pour éviter qu’elle ne devienne catastrophique et pour en diminuer les conséquences.

[1Dans le vocabulaire du GIEC, "quasiment certain" signifie que la probabilité de l’événement est supérieure à 99%, très probable qu’elle est supérieure à 90%, probable qu’elle est supérieure à 66%.

[2C’est à dire que la probabilité que la proposition soit vraie est supérieure à 99%.

[3Depuis les années 2000, le GIEC utilisait en entrée des scénarios appelés SRES (du nom du rapport qui les avait proposé : « Special Report on Emission Scenarios ») proposant plusieurs évolutions (A1, A2, B1, B2, etc..). L’évolution des connaissances et du contexte mondial avait rendu nécessaire une modification de l’approche.

Comment adapter la gestion de l’eau en France aux conséquences du changement climatique ?

Quels sont les principaux problèmes que nous allons devoir affronter en France ?

Comment peut-on anticiper les conséquences du changement climatique à une échelle régionale ?

Il existe un très grand nombre d’articles ou d’ouvrages qui traitent de l’évolution possible du climat en France au cours des 100 prochaines années. Pour établir ce document, nous nous sommes principalement référés aux travaux effectués à la demande du Ministère en charge de l’écologie par un groupe d’experts placés sous la Direction de Jean Jouzel. Ces travaux sont publiés sous la forme d’une série de rapports intitulés « Le climat de la France au XXIème siècle ». En janvier 2015, 4 volumes sont disponibles. Voir le rapport sur le site internet du Ministère en charge de l’écologie.

Ces rapports, en particulier le volume 4 (« Scénarios régionalisés pour la métropole et les régions d’outre-mer ») qui a utilisé les nouveaux scénarios du GIEC (les quatre RCP de référence), fournissent les indices climatiques de référence, susceptibles de servir de base aux mesures d’adaptation à mettre en œuvre sur le territoire français.

Nous avons également utilisé la synthèse du séminaire « Changement climatique : impacts sur les milieux aquatiques et conséquences pour la gestion » organisé par l’Office National de l’Eau et des Milieux Aquatiques (ONEMA) et le programme Gestion et Impacts du Changement Climatique (GICC) du Ministère en charge du Développement Durable. Ce séminaire a eu lieu à Paris en juin 2009.

Un autre document de synthèse extrêmement intéressant et un peu plus récent (2012) est le document préparatoire au PACC du bassin Rhône-Méditerranée-Corse : « Impact du changement climatique dans le domaine de l’eau sur les bassins Rhône-Méditerranée et Corse ».

Tous ces travaux reposent sur une même méthode : utiliser les scénarios du GIEC et les résultats des modèles globaux pour alimenter des modèles de descente d’échelle permettant de prévoir l’évolution du climat sur des mailles beaucoup plus petites (typiquement de l’ordre de 10 km par 10 km).

Selon les modèles, et les conditions aux limites utilisées, les résultats sont différents pour un même scénario. Les écarts observés entre les résultats permettent d’estimer l’incertitude. Cette incertitude augmente avec l’horizon de prévision. Dans le cas des rapports sur le climat de la France au XXIème siècle, deux horizons ont été pris en compte : 2021-2050 et 2071-2100.

Les travaux de Boé (2007) [1] également souvent cités, ont utilisé les anciens scénarios du GIEC [2] et se sont intéressés à l’horizon 2046-2065.

La pluviométrie va-t-elle changer en France ?

En France, les modèles sont globalement en accord pour prévoir une tendance à l’augmentation des précipitations en hiver sur l’ensemble du territoire métropolitain, ceci quel que soit le scénario. Cette tendance devrait s’accentuer au cours du siècle à venir. La figure suivante présente à titre d’exemple les résultats des simulations pour deux modèles particuliers (WRF et Aladin Climat), ainsi que les résultats des quantiles 0,25 (C25) et 0,75 (C75) [3] pour un ensemble de modèles utilisés par différentes équipes européennes.

Les différences entre les résultats des modèles sont plus importantes pour les précipitations estivales, avec même des divergences sur le signe de la variation (augmentation ou diminution) pour l’horizon 2021-2050. Pour l’horizon 2071-2100, la plupart des modèles prévoient une baisse des précipitations estivales, particulièrement dans le sud du pays.

De plus, des spécificités régionales, liées en particulier au relief, peuvent modifier fortement les tendances générales.

Il est donc très difficile de conclure sur l’évolution des précipitations en France.

Certains modèles prévoient cependant une baisse importante des précipitations en été, particulièrement dans le Sud et l’Est de la France comme le montre la figure suivante. Une telle évolution particulièrement défavorable ne peut donc pas être exclue.

La quantité d’eau mobilisable va-t-elle diminuer ?

L’augmentation des températures va avoir pour conséquence immédiate une augmentation de l’évapotranspiration, donc de la consommation d’eau par les plantes. Le bilan hydrologique général de l’ensemble des bassins versants va donc être modifié et les volumes disponibles pour le ruissellement et la réalimentation des nappes vont diminuer. Le débit moyen des rivières va également diminuer.

Les modèles sont également relativement en accord sur le fait que les quantités de neige en montagne vont probablement diminuer en hiver et que la période de fonte des neiges va être avancée. Ces deux facteurs vont modifier le régime des rivières concernées et diminuer leur débit au printemps et au début de l’été.

Il est également extrêmement probable que la fonte des glaciers s’accélère en montagne. Dans un premier temps ceci va augmenter le débit des rivières qu’ils alimentent pendant les périodes estivales. Dans un second temps, lorsque les glaciers auront disparu, ces débits vont être fortement réduits en été.

Certains modèles prévoient également une augmentation des précipitations intenses, particulièrement dans le sud du pays. Ce type de précipitations provoque des ruissellements très importants et contribue moins à recharger les nappes d’eau souterraines que des précipitations moins intenses.

Globalement les quantités d’eau mobilisables risquent donc de diminuer dans de nombreuses régions. Cet effet sera particulièrement sensible pendant les périodes estivales au cours desquelles les ressources mobilisables sont essentiellement celles stockées sous forme de neige, de glace ou de façon souterraine.

La qualité des milieux aquatiques va-t-elle être affectée ?

La modification du régime des précipitations et la diminution des réserves d’eau mobilisables en été va avoir une incidence sur le régime des rivières. En particulier, les étiages [4] vont probablement devenir plus fréquents et plus sévères sur presque tout le territoire. La diminution des débits entraînera une augmentation des temps de séjour et une moindre dilution des pollutions.

En termes d’impact sur les milieux aquatiques, ces évolutions seront aggravées par l’augmentation de la température de l’eau, concomitante avec l’augmentation de la température de l’air qui entraînera une moindre oxygénation de l’eau.
La modification du régime des rivières aura également une incidence sur le transport sédimentaire. L’augmentation probable des forts débits en hiver, en particulier dans le sud-est de la France, pourrait altérer la morphologie des rivières. A l’opposé, la baisse des débits estivaux pourraient conduire à une sédimentation plus importante favorisant, avec l’augmentation de température, le développement de blooms algaux [5].

Quelles seront les conséquences sur la vie aquatique ?

Ces évolutions en débit et en température auront vraisemblablement des impacts significatifs sur le fonctionnement des écosystèmes aquatiques.

Dans les rivières et dans les lacs, les populations de certaines espèces de poissons (barbeau, hotu, chevesnes, vandoise, ablette) pourraient augmenter au détriment des populations d’autres espèces (brème, gardon, truite, chabot).

Même si l’augmentation des températures n’est pas la seule raison, ces évolutions seront également très néfastes pour plusieurs espèces migratrices (saumon, alose, anguille).

Les zones humides risquent de diminuer en surface, mettant en péril de nombreuses espèces animales et végétales qui en dépendent pour tout ou partie de leur cycle de vie.

Enfin, l’augmentation des températures peut également favoriser l’arrivée d’espèces invasives.

Le risque d’inondation va-t-il être aggravé ?

Les modèles ne semblent pas montrer d’évolution importante des débits de crue, même si certains semblent indiquer que les évènements de pluviométrie extrêmes pourraient devenir plus fréquents sur les régions méditerranéennes. L’incertitude est cependant très grande sur ce sujet du fait de la très grande variabilité interannuelle des événements extrêmes.

Les besoins en eau vont-ils augmenter pendant les périodes estivales ?

L’augmentation des températures estivales va augmenter mécaniquement l’évapotranspiration, c’est-à-dire la quantité d’eau utilisée par les plantes. La conséquence directe sera une diminution de l’humidité des sols.

Cette diminution de l’humidité des sols aura des conséquences sur les zones de forêts et de végétation « naturelle » (mise en péril de certaines espèces, augmentation des risques d’incendies, etc.).

Elle conduira également à une augmentation importante des sécheresses agricoles.

Quels sont les impacts possibles sur les usages ?

Du fait de l’augmentation des sécheresses agricoles, les besoins pour l’irrigation vont très probablement augmenter en été, alors même que les ressources mobilisables vont diminuer. Les besoins urbains et industriels, en particulier pour la climatisation, vont également augmenter en été.

Cet effet « ciseaux » risque de poser des problèmes réels de gestion des ressources, même si globalement la France restera correctement dotée en eau.

La demande énergétique en été pourrait également augmenter, du fait des besoins en climatisation, alors que la baisse des débits et l’augmentation des températures des rivières et des fleuves compliqueront le refroidissement des centrales de production électrique.

L’assèchement des sols dans les villes pourrait également se traduire par des tassements des sols entrainant des désordres aux bâtiments.

Quelles mesures pouvons-nous mettre en place ?

Le changement climatique fait courir des risques à notre société en modifiant et en augmentant les aléas. Nous devons nous préparer à les affronter. Deux approches complémentaires sont indispensables :

  • Maintenir les aléas dans des valeurs acceptables. Pour ceci nous devons limiter l’ampleur du changement climatique autant que faire se peut. Il faut donc réduire dès aujourd’hui, et de façon très importante, nos émissions de gaz à effet de serre. Ceci implique de mettre en place des mesures d’atténuation.
  • Diminuer la vulnérabilité de notre société face à ces aléas en adaptant nos comportements et nos modes de gestion. Ceci implique de mettre en place des mesures d’adaptation.

Seul le deuxième volet sera abordé dans ce document.

Le Ministère en charge de l’écologie a publié un plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC). Ce plan repose sur les scénarios régionalisés présentés plus haut. Il a vocation « à planifier les actions, à prévenir les mal-adaptations et à vérifier la cohérence des mesures des politiques publiques par rapport à l’adaptation. ».

Pour illustrer les principes généraux exposés dans ce plan, nous nous sommes largement inspirés de sa déclinaison sur le bassin Rhône-Méditerranée : « Le plan de bassin d’adaptation au changement climatique dans le domaine de l’eau » , publié en mai 2014.

Quels sont les principes d’action ?

En reprenant les idées du PNACC, six principes fondamentaux structurent le plan de bassin :

  • Faire des économies d’eau en luttant contre le gaspillage ;
  • Eviter la mal-adaptation, c’est-à-dire les actions qui accroissent à terme la vulnérabilité (par exemple le développement de la climatisation des immeubles) ;
  • Préserver les potentialités actuelles et futures des ressources et des milieux (préservation de la qualité, conservation du patrimoine) ;
  • S’assurer d’une ambition reconnue et partagée : les différentes parties prenantes doivent adhérer au projet ;
  • Savoir garder raison économiquement : les incertitudes sont très grandes sur les évolutions à venir et tout investissement doit être raisonné en tenant compte de ces incertitudes ;
  • Explorer l’univers des possibles et privilégier la combinaison de mesures : il n’existe pas de solution miracle et l’imagination doit être au pouvoir.

Une idée transversale essentielle est que les mesures à prendre aujourd’hui doivent être efficaces sur la durée, dans un contexte qui va changer de façon importante ; de plus les incertitudes sur ces changements sont très grandes. Les mesures à privilégier sont donc celles qui présentent les meilleures garanties de flexibilité et de réversibilité.

Comment développer la connaissance ?

Les actions à mettre en œuvre seront d’autant plus efficaces qu’elles s’appuieront sur une connaissance précise des changements à venir. L’amélioration des prévisions passent par une meilleure mobilisation et un meilleur croisement de l’ensemble des expertises. Elle passe également par l’accumulation de données fiables permettant de mieux suivre la réalité des changements, de mieux en maîtriser les causes et d’améliorer la capacité prédictive des modèles. Enfin le changement des pratiques ne sera effectif et efficient que s’il est compris et accepté par l’ensemble des usagers et des citoyens. Il est donc également indispensable de sensibiliser, mobiliser et fédérer tous les acteurs autour d’une vision commune et partagée de l’eau.

Comment réduire la vulnérabilité liée à la disponibilité en eau ?

La France ne va pas devenir une région aride. Les ressources resteront donc suffisantes, même dans les scénarios les plus pessimistes. Les tensions sur les ressources mobilisables en été risquent cependant de beaucoup s’accroître sur une grande partie du territoire. Pour faire face à ce problème, trois stratégies d’adaptation complémentaires peuvent être envisagées :

  • Les économies d’eau : c’est la réponse la plus efficace. Il existe des marges de manœuvre extrêmement importantes pour réduire la consommation, en particulier en modifiant les pratiques.
  • Le partage : il s’agit de répartir la ressource de façon équitable entre les différents usages, tous en préservant les milieux. Ceci implique de la concertation, des règles claires, un contrôle efficace et une grande transparence.
  • L’optimisation : les ouvrages existants peuvent être mieux utilisés ; le recyclage ou la réutilisation de l’eau peut être développé.

Comment réduire la vulnérabilité liée au bilan hydrique des sols ?

L’assèchement des sols, particulièrement en été est l’une des conséquences hydrologiques les plus probables du changement climatique. L’agriculture est particulièrement vulnérable à ce changement. Plusieurs stratégies de lutte contre cette menace peuvent être envisagées :

  • Mieux gérer les sols, en favorisant les pratiques culturales et agronomiques qui permettent d’augmenter le stock d’eau et la pénétration des pluies ;
  • Diversifier les cultures, en développant celles qui peuvent s’accommoder de sols plus secs.

Comment réduire la vulnérabilité pour la biodiversité ?

L’idée centrale consiste à augmenter la résilience des écosystèmes aquatiques, c’est-à-dire leur capacité à s’adapter à un stress. Un écosystème en bonne santé et en effet beaucoup plus résilient qu’un écosystème déjà amoindri par la pollution ou par des éléments qui contraignent son cours (en particulier barrages et endiguements). Les éléments principaux sont donc les suivants :

  • Améliorer la santé écologique des cours d’eau ;
  • Diversifier des habitats et les écoulements ;
  • Rétablir les continuités hydrauliques longitudinales (de l’amont vers l’aval), latérales (lit mineur et annexes) et en profondeur (rivière et sa nappe d’accompagnement).

Comment réduire la vulnérabilité liée au niveau trophique des eaux ?

Le niveau trophique des eaux dépend essentiellement des apports en nutriment. Le risque de dystrophie (c’est-à-dire d’excès en matière nutritive) va être accru du fait de la diminution des débits d’étiage et de l’augmentation des températures. Deux types de stratégies peuvent être déployés :

  • Diminuer les charges en matière nutritive et en particulier le lessivage des nutriments en provenance des terrains agricoles.
  • Limiter l’échauffement de l’eau des rivières (suppression des zones de stockage, développement de la végétation sur les rives pour les ombrager, etc.).

Comment réduire la vulnérabilité liée à l’enneigement ?

La diminution des durées d’enneigement dans les massifs de montagne va avoir des conséquences importantes sur le tourisme. Les adaptations passent ici par la diversification de l’activité économique des zones concernées, voire par leur reconversion.

Comment réduire la vulnérabilité des personnes ?

Le changement climatique va exposer les personnes de façon certaine à un risque accru de canicules et de façon possible à un risque accru d’inondations.

La conception des aménagements, et particulièrement des espaces urbains doit intégrer ce double enjeu :

  • Concevoir une ville avec un couvert végétal plus important et conserver l’eau de pluie pour la mettre à disposition de cette végétation peut par exemple permettre de contribuer à lutter efficacement contre les ilots de chaleur urbains.
  • Augmenter la vigilance pour prévenir les aménagements ou constructions dans les lits majeurs des rivières, limiter les ruissellements, ralentir les écoulements, favoriser l’infiltration constituent des façons pertinentes de limiter les risques majeurs liés aux excès d’eau.

Comment organiser l’action ?

Même si les actions possibles selon les principes envisagés ci-dessus conduisent essentiellement à des mesures « sans regret », leur mise en œuvre peut être délicate et en tout cas nécessiter du temps.

L’ensemble des acteurs des territoires concernés doivent donc agir de façon concertée et collective. Ils doivent également déployer une stratégie dans la durée.

Enfin, le caractère aléatoire des situations climatiques extrêmes doit être pris en compte à travers des outils de suivi, de prévision et d’anticipation.

[1Boé, J (2007) : Changement global et cycle hydrologique : une étude de régionalisation sur la France ; thèse de doctorat ; Université Paul Sabatier Toulouse III ; 256pp + annexes ; le powerpoint de présentation est disponible ici

[2Scénarios A1, A2, B1, B2, etc. du SRES (« Special Report on Emission Scenarios »).

[3Le quantile 0,25 signifie que 25% des modèles prévoient une évolution inférieure à celle indiquée, le quantile 0,75 que 25% des modèles prévoient une évolution supérieure à celle indiquée.

[4Périodes de bas débit.

[5Un bloom algal est une prolifération brutale de certaines algues due à un excès en matières nutritives.

Pour en savoir plus

  • Document rédigé par Bernard Chocat (LGCIE - INSA Lyon)
  • Relecteurs : Bénédicte Augeard (Onema) et Thomas Pelte (Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse)

Sur le changement climatique :

Sur les conséquences du changement climatique en France :

Sur les mesures d’adaptation à mettre en oeuvre :